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| Manolo Bienvenida était aussi à l'affiche de la corrida du siècle dernier |
2016 est l'année du 30ème MEMENTO DE L'AFICIONADO de la Peña Taurine A Los Toros de Mont de Marsan, petit opuscule de 50 pages devenu culte. L'introduction revient cette fois sur une corrida d'exception qui s'est déroulée dans un contexte incroyable il y a 80 ans (le 15 août 1936) et sur un lidiador d'exception, Marcial Lalanda, rencontré en 1989 par le journaliste montois et directeur du journal Sud-Ouest George Dubos.
Il y a 80 ans au Plumaçon, la corrida du siècle (dernier !)
La corrida a survécu à l’histoire et aux bouleversements du monde, en Espagne comme en France. Elle y a même inscrit des pages dramatiques, curieuses ou formidables. Mont de Marsan en a été le théâtre imprévu, pour ce qui reste dans l’histoire taurine de sa plaza comme un évènement exceptionnel. La feria de la Madeleine de 1936 s’annonçait, trois ans après les grands travaux du Plumaçon, sous les meilleurs auspices. Mais le 18 juillet le général Franco prenait la tête du soulèvement nationaliste et commençait alors une terrible guerre civile qui allait durer trois ans. La frontière était immédiatement fermée. Les toros étaient arrivés, les toreros ne pouvaient plus passer. Cet évènement allait déboucher pour notre histoire taurine sur une « corrida du siècle »…en tout cas la nôtre. En 1989 à Madrid, le journaliste montois et directeur de Sud-Ouest Georges Dubos, qui préparait un papier pour le centenaire des arènes du Plumaçon, s’entretient avec Marcial Lalanda, « El mas grande » comme le dit son pasodoble. Marcial Lalanda était l’un de ses toreros préférés. Il en profite pour lui faire évoquer la corrida tout à fait extraordinaire de 1936 :
Marcial Lalanda : « Je dois dire que celle-là ne me sortira jamais de la mémoire. En effet la corrida prévue pour le 21 juillet avec ton serviteur, Manolo Bienvenida et Domingo Ortega, face à du bétail du Comte de la Corte, n’avait pu avoir lieu en raison du déclenchement chez nous de la guerre civile, car la veille de la corrida nous n’avions pas pu passer la frontière, fermée par les autorités. Quelques jours après, c’est-à-dire début août, j’avais cette fois réussi à quitter l’Espagne en compagnie de ma femme et des gosses, de Pablo et Manolo Martinez, de leurs fils respectifs Manolo et Jesus, José Antonio et Javier (1), de Quintana, l’hôtelier de « La Perla » à Pampelune, l’ami d’Hemingway, et des membres de ma cuadrilla, dont mon frère Eduardo, Cadena, Boni et les autres. Depuis le début des évènements les toros du Comte de la Corte étaient évidemment restés dans les corrales des arènes montoises. Tandis que nous nous installions à Capbreton, aidés par Marcel Dangou de Bayonne, de Jean Boucou de Dax, puis des Montois Paul Soubagné, Paul Pourcevigne et Jean Lamarque, ces derniers étaient inquiets du sort qui serait réservé à leurs toros de la Madeleine, renvoyée du fait des évènements.
G. Dubos : Ils ont alors pensé que tu pouvais résoudre le problème…
« Oui, d’autant que je leur ai proposé d’organiser la corrida à la date du 15 août, me chargeant de tuer seul les six toros. Ils ont accepté. Mais entretemps, mon camarade Antonio Marquez avait également rejoint votre pays. Qu’à cela ne tienne, j’ai alors suggéré aux Montois l’idée de toréer « mano a mano » avec Antonio Marquez. Proposition acceptée. Mais elle n’allait pas être définitive car, peu avant qu’on imprime les affiches, Manolo Bienvenida passait à son tour en France. J’ai pensé, pas de problème, Manolo sera le troisième homme du cartel désormais complet.
G. Dubos : Témoin oculaire de la corrida, donnée dans des arènes archicombles, j’en ai gardé un souvenir profond, tant par la qualité du bétail, que le stage dans les corrales n’avait pas émoussé, que par le brio des toreros, en particulier toi Marcial, qui fit deux faenas extraordinaires primées de tous les trophées…
« C’est exact. Compte-tenu de notre situation, de la sympathie et de l’aide que nous avions trouvées auprès des amis et d’une façon générale de la population, nous devions réaliser le maximum pour traduire à tous, connus ou inconnus, notre reconnaissance. L’accueil ici avait été vraiment inoubliable au cours de notre séjour, du 10 au 23 août. Ce sont des choses qui marquent une existence. »
Et qui marquent aussi une vie d’aficionado. Ce 15 août 1936, les toros andalous du Conde de la Corte, quatre sur six très braves et très nobles permettent aux maestros de couper pas moins de neuf oreilles et trois queues : quatre oreilles et deux queues pour Marcial Lalanda, une oreille pour Antonio Marquez, quatre oreilles et une queue pour Manolo Bienvenida. Une corrida dont les témoins oculaires parlent encore.
Marcial Lalanda, un des plus grands toreros de ce siècle et de l’histoire de la tauromachie a été à plusieurs reprises montois, notamment à l’occasion des fêtes de la Madeleine. Lors de la même interview, il se rappelait, malgré ses 85 ans, sa carrière dans le chef-lieu des Landes :
« Beaucoup de choses restent très présentes dans ma mémoire. Je suis venu toréer cinq fois à Mont de Marsan. La première c’était en 1933 pour l’inauguration de l’agrandissement de la plaza de toros. Le cartel était composé de Manuel Jimenez « Chicuelo », de ton serviteur et de Vicente Barrera, devant des bichos de Vicente Martinez. Je suis revenu à la demande de mon grand ami Pablo Martinez « Chopera » pour une corrida mise sur pied le 13 mai 1934 à l’occasion de la fête d’un quartier de la ville (2). J’ai torée ce jour-là du bétail d’Arturo Cobaleda en compagnie de Victoriano de la Serna et de Luis Gomez « El Estudiante ». L’année suivant la fameuse corrida de 1936, j’ai été à nouveau du cartel de la Madeleine, le 18 juillet 1937 avec Manolo Bienvenida et Domingo Ortega devant des toros de Manuel Blanco. Puis le 23 juillet 1939 avec Victoriano de la Serna et Juanito Belmonte pour affronter un encierro de Pablo Romero. Après ma retraite (3) je suis revenu en 1951, mais dans le callejon cette fois alors que j’étais l’apoderado de Conchita Cintron. »
Les heurts et malheurs de l’Histoire ont parfois des conséquences inattendues, loin des drames et des souffrances. Les arènes du Plumaçon ont vécu un de ces moments privilégiés, il y a 80 ans.
André-Marc Dubos
1/ Il s’agit bien sûr de Manolo Martinez Flamarique « Chopera » et son frère Jesus, qui gèreront les arènes de Mont de Marsan durant des années, et des frères Jose Antonio et Javier Martinez Uranga, les « Choperitas ».
2/ Fête du quartier Saint Roch
3/ Marcial Lalanda a fait sa « despedida » dans les arènes de Madrid le 18 octobre 1942
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Voir le "Memento de l'Aficionado" de 1997 pour plus de détails sur cette corrida
Pendant la Madeleine, venez vous procurer le "MEMENTO DE L'AFICIONADO" 2016 (et éventuellement celui de 1997 !) à la Peña Taurine A Los Toros - 2 rue rue Léon Lalanne (en face des arènes) à Mont de Marsan -.
