Mémento de l'Aficionado 2012

Dernière prestation du Fundi au Plumaçon le 17 juillet 2011 - Toro de Robert Margé - Photo E. Erb

En 2012, l'introduction du Mémento revenait sur la carrière de José Pedro Prados "El Fundi" au Plumaçon . El Fundi hélas absent de la Madeleine l'année de sa despedida...
Elle est signée André Marc Dubos.

"EL FUNDI" : Adieu, respect et merci !
« De type gitan accusé… il montrera des gestes appréciables et une ceinture de liane. » Le revistero Roger Dumont, récemment disparu, décrivait ainsi dans la revue «Toros», la première apparition en France, le lundi 20 juillet 1981 à Mont de Marsan, de Jose Pedro Padros « El Fundi », aux côtés d’El Bote, Marie-Neige, Vaquerito et du montois Olivier Mageste. Le gamin était loin d’être Andalou, né le 23 décembre 1966 à Fuenlabrada, à une vingtaine de kilomètres de Madrid, alors paisible bourgade agricole. L’aficion de sa mère – qui ne s’est jamais démentie puisqu’elle le suit dans quasiment toutes ses courses – un frère aîné novillero, les fêtes de villages et leurs toros, pousseront José à s’inscrire à l’École Taurine de Madrid. Très vite il y a là trois inséparables avec « El Bote » et « Joselito ». Le trio mené par Enrique Martin Arranz, fondateur et directeur de l’école, devient une véritable attraction. Et Mont-de-Marsan qui, depuis 1978, grâce à l’amitié entre Georges Dubos et Martin Arranz, programmait l’école de Madrid, faisant découvrir les Julian Maestro, Yiyo, Lucio Sandin, verra la présentation triomphale du trio phénomène au Plumaçon, en 1982 : deux oreilles pour El Bote, deux oreilles pour le Fundi, une pour Joselito. Le souvenir est resté dans toutes les mémoires, dont celle de Pierre Albert Blain : « Il était curieux, déjà, cet enfant immobile qui donnait l’impression de tout savoir sans jamais rien avoir appris. Et il s’imposait dans la cuvette montoise gagnée autant par la chaleur montante de juillet que par la tranquille aisance de ce Fundi inconnu encore. Mont-de-Marsan a toujours aimé les toreros complets, et plus encore les banderilleros qui savent donner de l’ampleur à la muleta quand arrivent les temps de ralentir les séquences ». El Fundi reviendra triompher une troisième fois au Plumaçon (oreille et oreille), en 1983, accompagné des montois Olivier Mageste et Didier Godin, et d’un certain Jose Miguel de la Llana (qui n’était autre que Joselito sous un faux « apodo » pour des raisons d’âge). Mont de Marsan n’oubliera pas ce « gosse aux cuisses grosse comme des allumettes et une tête que les mères de famille aimeraient couvrir de baisers. Mais cet angelot est un affreux jojo. » (Sud-Ouest, juillet 1982). 
Fin 1983 il se présente avec picadors, chez lui à Fuenlabrada en compagnie de ses deux amis. 1984 sera la consécration de la formule de Martin Arranz, 20  novilladas ensemble, dont Saintes Maries de la Mer et Hagetmau. El Fundi termine avec 28 courses. L’avenir semble tracé mais Martin Arranz quitte l’école pour devenir l’apoderado de Joselito. El Fundi tombe à 13 novilladas et le cœur n’y est plus. Il est au bord de l’abandon et ne torée plus que deux courses en 1986, où il trouve un boulot à l’usine. Mais un séjour de travail au campo, chez Martin Arranz, lui redonne espoir bien qu’il soit appelé sous les drapeaux à l’automne. La foi revient et après une novillada et quelques festivals, il prend l’alternative deux jours avant la fin de son service militaire, en même temps qu’El Bote, le 22 septembre 1987 à Villaviciosa de Odon, avec pour parrain leur ami Joselito.  C’est encore la même « terna » réunie pour la confirmation d’alternative à Madrid le 22 mai 1988. 
L’histoire d’amour avec la France attendra, pour se renouer, sa 16ème et dernière corrida de la temporada 1989, avec sa présentation à Arles, le 29 septembre, où il coupe une oreille d’un toro de Hubert Yonnet. Un succès qui aura une influence déterminante sur sa carrière. Il est répété à la Feria de Pâques 1990 et son triomphe absolu face aux toros de Miura (3 oreilles) inaugure une saison française décisive où il coupe trophée sur trophée, à Vic (Cuadri), Céret (Vega Teixeira), Dax (Miura), Arles (Guardiola), Floirac (2 oreilles aux Rocio de la Camara). L’aficion française en fait sa coqueluche et, avec quinze contrats en 1991, il devient le matador espagnol le plus présent dans nos arènes. Il est doublé à Nîmes, à Vic, à Céret, à Floirac, et triomphe à peu près partout avec des élevages difficiles : Miura, Palha, Tulio Vazquez, Escolar Gil, Valverde, etc… 
C’est aussi ce 21 juillet là qu’il se présente à Mont- de-Marsan, en com-pagnie de Tomas Campuzano et Juan Cuellar, et coupe l’oreille d’un toro de Dolores Aguirre. 
Commence alors avec notre arène une histoire jalonnée non de triomphes, car dans cette catégorie de corridas on prend plus souvent de coups que l’on enlève des trophées, mais une histoire marquée d’admiration et de respect pour un torero qui paye comptant, un grand combattant des ruedos dont le registre muletero est d’une exceptionnelle densité et suavité, quand l’occasion lui est donnée de pouvoir l’exprimer. 
La liste des ganaderias combattues au Plumaçon est explicite : Dolores Aguirre (1991), Conde de la Maza (1992), Miura (1993, 1994, 1998, 2008), Conde de Murça (1995), Adolfo Martin (2004), Baltasar Iban (2005), Robert Margé (2006, 2011), Adelaida Rodriguez (2007), La Quinta (2008, 2009). Quatorze paseillos à Mont de Marsan et des succès importants avec les Aguirre, les Miura, les Adelaida Rodriguez ou les Miura. Sans oublier 2008 où El Fundi, doublé pour donner l’alternative au jeune portugais Antonio Joao Ferrera, sort en triomphe face aux toros de La Quinta. 
Une carrière exemplaire de 25 ans, face à l’adversité des corridas les plus dures, face parfois au dédain du mundillo, à de graves blessures dont la dernière il y a quatre ans manqua le laisser paralysé. Une carrière qui a marqué particulièrement la tauromachie française puisque, comme l’a fort à propos rappelé l’ami Marc Lavie, son dernier paseo à la feria de Vic 2012 était sa 184ème corrida en France, battant ainsi le record de Richard Milian, un record qui va tenir très longtemps. Une carrière qu’il a décidé de clôturer cette année. Arles, Vic, Istres (00), Aire (0), Céret, Châteaurenard et Saint Vincent de Tyrosse ont été ou seront les seuls à lui rendre hommage. 
Les « grandes » arènes du Sud-Ouest auront montré une étrange ingratitude. Mont-de-Marsan en tête. La peña « A los Toros », de part son nom d’abord, et de part ses buts - la connaissance et le respect de l’histoire taurine de sa ville et la défense de sa tauromachie - est doublement justifiée à regretter que l’hommage final à la trajectoire d’un torero qui fait honneur à ce mot de « torero » ait été oublié. D’autant plus qu’en pleine Madeleine, son adieu à la France se déroule à Saint Vincent de Tyrosse, face à des toros de son ami… Joselito ! Un cartel pour le Plumaçon… Il est vrai que Mont-de-Marsan avait, aussi, en son temps, manqué les adieux de deux de ses idoles, Victor Mendes et Cesar Rincon. 
Les régimes changent, l’inculture taurine reste.