Mémento de l'Aficionado 2021

Bernard Huguet face à Montfortoise au Plumaçon
Photo J.L. Duzert - Collection A Los Toros

Vous l'attendiez depuis maintenant... 2 ans ! Le 34ème Mémento de l'Aficionado est désormais disponible. L'intro revient cette année sur l'histoire de la course landaise à Mont de Marsan.

Bonne lecture à tous

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Pauvres de nous

Un événement contemporain peut-il devenir instantanément historique comme les médias le laissent à penser à longueur de journée ? Et bien la réponse est oui. À condition qu’il constitue une rupture nette avec le cours habituel des choses…

Les récits oublient fréquemment l’histoire des pauvres au profit de celle des riches. Il est agréable de penser que les premiers toréadors étaient de beaux et orgueilleux chevaliers. Mais dans nos contrées, il y a déjà plusieurs siècles, c’est bel et bien la plèbe qui s’adonna aux premiers jeux taurins ; provoquant pour le plaisir les bovins autochtones semi-sauvages destinés aux assiettes (des riches). Quand, au milieu du XVIIIe siècle, afin d’éviter les dommages collatéraux, la tauromachie quitta la rue et ses incertitudes pour se fixer sur les places publiques  lieux clos et sécurisés où seuls étaient blessés ceux qui l’avaient bien cherché  elle se codifia progressivement. Les acteurs, occasionnels, devinrent petit à petit des habitués. Ces courses de taureaux, c’est ainsi qu’on les nommait, sont les ancêtres des courses de vaches que nous connaissons aujourd’hui. Le bétail, plus ou moins enclin au spectacle, y était parfois aiguillonné. On y courait. On y sautait. On s’y faisait peur. On tentait d’impressionner. Il y avait des cris. Il y avait de la poussière. On y posait aussi un genre de banderilles. Parfois, l’animal faisait vraiment sa loi. Alors il fallait l’encorder, pousser, tirer, pour le faire rentrer. Les balcons servaient de gradins. Il y avait des estrades (pour les pauvres). Mont-de-Marsan n’était qu’une bourgade. Les courses, plusieurs fois dans l’année, occupaient, dans les faubourgs, la place de la Liberté (actuelle Place St Roch).

L’histoire taurine landaise et l’histoire de la tauromachie espagnole sont tout à fait distinctes. C’est la curiosité, un certain attrait pour l’exotisme et le désir de faire le buzz qui poussa les Montois (comme les autres villes) à organiser des corridas. Il y avait là, vous l’aurez compris, un terreau favorable. Mais l’implantation fut loin d’être instantanée. À partir de 1865, il y eut quelques essais, mais ce sont les courses landaises qui plaisaient. La version ibérique s'éclipsa un temps puis revint cohabiter. C’est l’époque dite hispano-landaise, censée contenter le plus grand nombre. Mais l’on oublie souvent de préciser que, à côté, la course landaise seule prospérait. Jusqu’en 1925, il pouvait y en avoir une dizaine par an disséminées à différentes dates et dans différents quartiers ; celle du lundi de la Madeleine était la plus prisée. Elles disparurent progressivement, "remplacées" en 1954 par un unique Concours-Landais. Tandis que la corrida s’imposait : 2, 3, 4, 5 parfois plus dans l’année. Des représentations plus chères, plus snobs. Plus distinguées.

Une seule course landaise comme étendard d’une nation, comme un vestige, comme la partie immergée d’une culture locale plus profondément enracinée, comme une résurgence du passé. Celui de nos grands-parents. Celui du Peuple. Celui des pauvres.

Je ne comprends pas la propension actuelle à vouloir sans cesse se démarquer… en faisant comme les autres. Si quelqu’un pouvait m’expliquer ? Les fêtes de mon enfance sont devenues une feria. Une quoi ?! On n’entend plus que ça. Comme à Dax. Comme dans le Sud-Est. Comme en Espagne. Comme ailleurs. Comme partout.

Et puis cette année, la Madeleine n’aura même plus son Concours-Landais. Même pendant la guerre, en 1941 et 1943, nous n'en avions pas été privés. Cette année ? Pas de Concours. Circulez. Les corridas sont la priorité. C’est bien les corridas. Mais ce n’est qu’une partie de notre identité.

L’histoire est en marche. Qui pourra l’arrêter ?

Benoit Piarrine